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La France possède un mécanisme original en matière de droit des successions : la réserve héréditaire. Mais qu'est-ce que la réserve héréditaire ? Un moyen pour les héritiers de pallier une possible tentative de déshéritement. Aux termes de la loi, et plus spécialement de l'article 912 du Code civil, la réserve héréditaire est « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession et s'ils l'acceptent ».
Aussi le patrimoine d'un défunt est constitué d'une part sur laquelle les héritiers réservataires ont un droit, et d'une quotité disponible que l'on peut transmettre librement. Il sera en principe impossible de déshériter un héritier réservataire, mais reste à savoir les conditions pour être considéré comme tel aux yeux du droit français.
Qui peut être considéré comme un héritier réservataire ?
- Les descendants, sans aucune distinction. En d'autres termes, peu importe que vous soyez un enfant légitime, naturel ou encore adoptif, vous serez dans les trois cas considéré comme un héritier réservataire. Néanmoins, il est important de souligner que dans le cadre d'une adoption simple, l'enfant n'est pas considéré comme héritier réservataire de ses grands-parents adoptifs.
- Le conjoint survivant est un héritier réservataire et à droit à ¼ du patrimoine de son époux prédécédé, mais seulement lorsque ce dernier n’a pas d’enfant. Par ailleurs, il bénéficie d’une place spéciale et bénéficie de droits spécifiques.
Depuis la réforme du 23 juin 2006, les ascendants ne sont plus héritiers réservataires. Ils bénéficient toutefois d’un droit de retour sur certains biens, qu’ils ont donnés à leurs enfants.
Quel est le montant de la réserve ?
La réserve des descendants est déterminée par le Code civil en fonction du nombre de descendants vivants au jour du décès (enfants, petits-enfants, etc.).
- Un enfant -> la moitié des biens du défunt.
- Deux enfants -> les deux tiers des biens du défunt.
- Trois enfants ou plus -> les trois quarts des biens du défunt.
Prenons un exemple concret :
Votre père décède en laissant derrière lui une somme de 600 000 euros.
Si vous êtes enfant unique, votre réserve héréditaire sur cette somme s'élève à 300 000 euros et la quotité disponible que le défunt peut librement transmettre s'élève à 300 000 euros.
Si vous avez un frère, la réserve héréditaire s'élève à un total de 400 000 euros (200 000 euros par héritiers), et si vous êtes trois frères et sœurs, alors la réserve héréditaire est de 450 000euros (150 000 euros reviendra de droit à chacun des enfants).
Dans l'hypothèse où l'un des enfants serait déjà décédé, ce sont alors ses propres enfants qui se partageront sa part.
En revanche, s'il n'y a pas de descendants, et que donc, l'héritier réservataire est le conjoint survivant, alors, la réserve est égale à un quart de la succession.
Par exemple votre mari décède. Vous n'avez eu aucun enfant, et il n'en a pas eu non plus d'un autre mariage. Il laisse derrière lui une somme de 600 000 euros, la réserve héréditaire est donc égale à 150 000 euros.
La quotité disponible spéciale entre époux
Toute personne dispose librement de sa quotité disponible ordinaire et il peut librement gratifier ses proches (conjoint, parents, etc.). Le législateur a par ailleurs prévu la possibilité de prévoir d’une quotité disponible spéciale, qui permet de donner une part plus importante à son conjoint. Ces règles peuvent changer lorsque le de cujus souhaite léguer ou donner à son conjoint une part de son patrimoine.
S'il y a des descendants, il est possible de prévoir que son conjoint ait droit :
- Soit à la totalité de la quotité disponible ordinaire
- Soit à ¼ de ses biens en pleine propriété et ¾ usufruit
- Soit à la totalité des biens en usufruit
L’article 1094-1 du Code civil dispose ainsi de ces options, qu’il y ait ou non des descendants : « Pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement. »
Relevons également qu’en l’absence de descendants, le conjoint survivant pourra recevoir l'ensemble de la succession.
Comment renoncer à exercer son droit de réserve ?
En principe, il n’est pas possible de conclure des pactes sur succession future, c’est-à-dire des conventions sur des successions qui ne sont pas encore ouvertes. Les héritiers réservataires, sous réserve d'être majeurs, ont la possibilité de renoncer au bénéfice du droit à la réserve au profit d’une personne déterminée (sur une libéralité ou avant l’ouverture de la succession).
Cette renonciation, lourde de conséquences, se fait par le biais d'un acte authentique établi devant deux notaires et doit être approuvée par celui dont il est l’héritier réservataire présomptif. La renonciation peut concerner une partie seulement ou la totalité de la réserve.
Avocats Picovschi, expert en droit des successions, pourra vous accompagner pour prendre toutes les dispositions nécessaires, afin d’organiser au mieux votre succession dans le respect du droit.
Sources : www.legifrance.gouv.fr, articles 912, 920 à 930, 1094-1 du Code civil