Abus de droit fiscal : le contribuable sur la sellette

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Jean Martin
Jean Martin
Ancien Inspecteur des Impôts

Nous bénéficions de l'expertise de notre of counsel, Jean Martin, ancien Inspecteur des Impôts.

| Publié le

Sans faire de procès systématique aux Organismes dits "consultatifs" en matière fiscale (Commissions départementale et nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, Commission départementale de conciliation, Comité de l'abus de droit fiscal …), les avis rendus versent généralement du côté du "pot de fer", soit l'administration fiscale.

Suite à la saisine de l'un ou l'autre de ces Organismes, l'entreprise ou le particulier est en effet désavoué en moyenne à 80% ! Seuls, les optimistes inconditionnels et désireux de positiver ont le droit d'affirmer qu'environ 20% des affaires s'achèvent bien …

De manière plus réaliste, les causes de ce constat globalement favorable au fisc s'expliquent principalement par deux paramètres, éventuellement cumulatifs ou pouvant s'interpénétrer entre eux :

  • En toute objectivité, le contribuable a pu pousser le "bouchon" un peu loin en ce qui concerne, soit le non-respect d'une obligation déclarative, soit l'utilisation délibérément excessive d'une optimisation fiscale.
  • Les règles qui président à la définition du champ d'application de certaines dispositions fiscales, avec ses dérogations et ses exceptions (en raison du "saupoudrage" grandissant, à connotation poujadiste et électoraliste de la part des Gouvernants), s'avèrent scandaleusement de plus en plus complexes, d'où l'accroissement des risques d'erreurs d'interprétation de bonne foi.

"Cerise sur le gâteau", quand l'affaire apparaît trop difficile, voire trop "sensible" à démêler, les membres de ces Organismes donnent par défaut, raison aux inspecteurs des impôts. Comme s'ils sous-entendaient en filigrane et sous forme de postulat, qu'après tout, le contribuable dispose encore de recours contentieux pour se faire comprendre.

D'où sur le fond, une fuite des responsabilités de la part de ces Commissions et Comités, assimilable dans une certaine mesure à un détournement de leur déontologie tracée initialement par le Législateur. En d'autres termes, la mise en place de ces Organismes consultatifs n'a pas participé à résoudre ou très peu, les litiges en amont des divers Tribunaux compétents.

Pour ne pas être taxés de pessimistes intolérants (ou inversement), nous allons évoquer deux avis rendus par le Comité de l'abus de droit fiscal, favorables au contribuable.

Il est rappelé si besoin est que cet Organisme comprend un conseiller d'Etat, Président, un conseiller à la Cour de cassation, un Avocat ayant une compétence en droit fiscal, un conseiller maître à la Cour des comptes, un Notaire, un Expert-comptable et un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques.

Comme par hasard, ces membres sont nommés par le Ministre chargé du Budget, responsable des deniers publics.

Combat d'arrière-garde ou crime de lèse-majesté ? … où est le respect du principe d'indépendance ?

Pour mémoire, l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales définit l'abus de droit comme suit :

"Afin d'en restituer le véritable caractère, l'Administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles".

La procédure de l'abus de droit fiscal concerne tous les impôts. Elle est susceptible d'être mise en oeuvre indifféremment, lorsque la situation constitutive de l'abus porte sur l'assiette, la liquidation de l'impôt ou son paiement.

Le litige existant peut être soumis, à la demande du contribuable ou du fisc, à l'avis du Comité de l'abus de droit fiscal.

Voyons donc ci-après, en respectant volontairement et scrupuleusement la présentation des faits, deux des rares affaires de l'année 2011, à l'issue desquelles cet Organisme consultatif a "osé" désavouer la Direction générale des Finances publiques …

1ère affaire (soit une "histoire immobilière")

« La SCI G a donné en location à la SARL E, par un bail à construction du 30 septembre 1989, un terrain dont elle était propriétaire. Le contrat, conclu pour une durée de 30 ans, prévoyait la construction par le preneur, sur ce terrain, d'une résidence hôtelière devant, à l'expiration du bail à construction, revenir gratuitement au bailleur.

Le 15 décembre 2006, la SCI G a cédé ce terrain à la SARL Y puis, une heure plus tard, la SARL E a cédé à son tour les droits qu'elle détenait sur les constructions édifiées sur ce terrain, ainsi que des éléments du mobilier des locaux qu'elle avait exploités et une licence IV attachée à ces locaux à la même société Y.

Après avoir procédé à la vérification des sociétés SCI G et SARL E, l'administration a estimé que cette double cession avait entraîné la résiliation anticipée du bail à construction et, en application des dispositions des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts, l'acquisition par le bailleur du droit de propriété sur ces constructions.

Elle a, en conséquence, notifié à la SCI G, selon la procédure de l'abus de droit fiscal prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, une proposition de rectification correspondant à la taxation des revenus fonciers réputés perçus en application de ces dispositions à raison de l'acquisition de la résidence hôtelière.

Le Comité a entendu ensemble le représentant de la SCI G et son conseil ainsi que les représentants de l'administration fiscale.

Le Comité relève qu'il résulte des éléments du dossier, et qu'il n'est du reste pas contesté par l'administration, que l'opération réalisée le 15 décembre 2006 était motivée par les difficultés que rencontrait le preneur dans l'exploitation de la résidence hôtelière, que ces difficultés faisaient peser également un risque sur le bailleur et justifiaient la volonté mutuelle du bailleur et du preneur de céder rapidement l'ensemble du bien immobilier. Or, dans la situation d'exploitation dégradée qui était celle de la résidence hôtelière, une telle cession rapide impliquait une vente de l'ensemble immobilier à un acquéreur unique.

Le seul fait que cette cession ait pris la forme de deux actes concomitants par lesquels, d'une part, le bailleur et, d'autre part, le preneur, ont vendu à un même acquéreur respectivement le terrain et les droits sur les constructions édifiées sur ce terrain, les éléments du mobilier des locaux exploités par ce preneur ainsi que la licence IV dont il était titulaire, ne suffit pas, dans les circonstances particulières de l'espèce et alors que les sociétés étaient des entités juridiquement distinctes, à caractériser la recherche, par le bailleur, d'un but exclusivement fiscal et, par suite, l'existence d'un abus de droit.

Le Comité estime, en conséquence, que l'administration n'était pas fondée à mettre en oeuvre la procédure de l'abus de droit fiscal ».

Le fisc s'est rangé à cet avis (*)

2ème affaire (mise en location d'un fonds civil d'expertise comptable)

« M. JM B., qui exerçait depuis 1984 à titre individuel l'activité d'expert comptable et de commissaire aux comptes, a exercé la même activité à compter du 1er janvier 2003 au sein de la Sarl « Cabinet JM B. », sise à G.

Il détenait 99,99 % du capital de cette société créée le 27 décembre 2002. Par contrat du 5 janvier 2003, il a donné en location, à compter du 1er janvier de la même année, son fonds civil d'expertise comptable à la société moyennant le paiement d'une redevance annuelle d'un montant de 38 124 euros hors taxe. La clientèle restait immobilisée au sein de son entreprise individuelle.

Dans le cadre d'un protocole de cession de clientèle en date du 8 novembre 2006, M. B. s'est engagé à céder, avec effet au 5 janvier 2007, ce fonds à son locataire, la Sarl « Cabinet JM B. », moyennant le paiement d'une somme de 300 000 euros.

Par ailleurs, par un acte en date du 2 janvier 2007, M. B. a cédé 7 998 parts sociales sur les 7 999 parts qu'il détenait dans la Sarl « Cabinet JM B. » au Cabinet M pour un prix de 89 000 euros.

La plus-value réalisée lors de cette cession a été déclarée par M. B. comme exonérée sur le fondement des dispositions de l'article 238 quindecies du code général des impôts en vertu duquel sont exonérées les transmissions d'entreprises individuelles ayant fait l'objet d'un contrat de location gérance ou comparable, sous la condition que la cession soit réalisée au profit du locataire et sous réserve que l'acquéreur précédemment locataire ne soit pas sous le contrôle du cédant.

L'administration, qui a admis que les autres conditions prévues par ce texte étaient par ailleurs satisfaites, a néanmoins considéré que la clause différant la cession du fonds civil d'expertise comptable ne lui était pas opposable, dans la mesure où elle n'avait pour objet que de permettre le respect formel de la condition relative à l'absence de lien entre le cédant et le cessionnaire et n'avait donc été insérée dans ce protocole que dans un but exclusivement fiscal.

En conséquence, l'administration a procédé sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales à l'imposition de la plus-value de cession réalisée par M. B.

Après avoir entendu ensemble M. B. et son conseil, ainsi que les représentants de l'administration, le Comité observe que l'intention du législateur, qui a instauré cette exonération codifiée à l'article 238 quindecies du code général des impôts, était de favoriser les transmissions de petites et moyennes entreprises et d'assurer leur pérennité. Dans ce cadre, la condition d'absence de contrôle du cessionnaire par le cédant avait pour objet d'éviter les abus consistant à réévaluer ou refinancer en franchise d'impôt une activité dont l'exploitation était poursuivie directement ou indirectement par le cédant.

Le Comité relève qu'en l'espèce, M. B. a effectivement transmis à la Sarl « Cabinet JM B. » son fonds civil d'expertise comptable et qu'il a cessé d'exercer, directement ou indirectement, toute activité d'expertise comptable.

Ainsi, nonobstant une application littérale des dispositions de l'article 238 quindecies du code général des impôts, la clause différant la cession effective du fonds civil d'expertise après la cession des parts de la société acquéreuse ne peut être regardée comme ayant été insérée dans le protocole de cession de clientèle en date du 8 novembre 2006 en vue d'une application de ce texte à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur.

Le Comité note aussi que l'administration n'a pas contesté que la cession avait eu lieu le 5 janvier 2007.

Enfin, il résulte des éléments présentés par M. B. que le délai prévu entre la date de conclusion du protocole de cession de clientèle et celle de la cession effective de celle-ci était justifié par un motif autre que fiscal. En effet, ce différé de la date d'effet de la cession a permis à la société cessionnaire des parts de la Sarl « Cabinet JM B. » de finaliser, pendant les deux mois prévus entre ces deux dates, le plan de financement du fonds civil par voie d'emprunts, pour lesquels les nouveaux associés de cette société cessionnaire s'étaient portés caution.

En conséquence, le Comité émet l'avis que l'administration n'était pas fondée à mettre en oeuvre la procédure de l'abus de droit fiscal ».

Le fisc s'est rangé à cet avis (*).

(*) il convient de préciser que le contrôleur ou l'inspecteur des impôts à l'origine de l'application des dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales a la faculté de ne pas se conformer à l'avis du Comité en question, si celui-ci lui est défavorable.

Mais dans cette hypothèse, s'il s'entête, il lui appartient évidemment d'apporter la preuve du bien-fondé de sa position. En fait, sauf cas particulier plus qu'exceptionnel, sa hiérarchie "l'encourage" vivement à s'incliner pour démontrer que l'administration fiscale sait être "bonne joueuse" dans le peu d'affaires où on a osé lui donner tort.

Ces conclusions idylliques au profit du "pot de terre" dans deux affaires, par définition dissemblables l'une de l'autre, entrent donc au plan statistique dans les 20% de "résultats satisfaisants" en faveur du contribuable. Sans être dans le secret des dieux, ces avis ont dû être obtenus au prix d'une démarche particulièrement habile et perspicace, diligentée par des Conseils professionnels compétents et expérimentés.

*

Les Agents des impôts disposent de beaucoup de pouvoirs, dont le droit de remettre en cause un avantage dont le contribuable a parfois profité, de toute bonne foi par rapport à son interprétation personnelle d'une disposition fiscale spécifique.

Et à l'occasion de la mise en oeuvre de la procédure de l'abus de droit fiscal, les particuliers et même parfois les responsables d'entreprises se trouvent rarement à égalité avec leur inspecteur-vérificateur, en raison de la motivation souvent très juridique incluse dans la proposition de rectification n°2120 ou n°3924.

Dans ces conditions, l'assistance d'un Avocat fiscaliste spécialisé apparaît indispensable. Ce professionnel a l'obligation de se donner les moyens pour assurer la défense de l'affaire concernée.

Plus concrètement, il doit s'investir au maximum pour venir avec un dossier méticuleusement ficelé devant le Comité ad hoc, afin de convaincre ses membres de la bonne application par son client, du texte fiscal sur la "sellette".

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