Contrat commercial : comment délimiter le rôle du juge ?

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| Mis à jour le 10/12/2015 | Publié le

SOMMAIRE

Les parties à un contrat, sur la base de leur volonté et de la force obligatoire des engagements pris, peuvent délimiter le pouvoir du juge et rendre plus prévisible son intervention. Or, la mise en place de telles clauses nécessite beaucoup de délicatesse de la part des contractants, que ce soit dans leur rédaction ou dans leur mise en application. L’intervention d’un avocat d’affaires expérimenté, au fait des dernières décisions jurisprudentielles, est alors indispensable pour s’assurer de leur validité.

Pourquoi anticiper le rôle du juge dès la rédaction du contrat ?

Grâce à des clauses relatives à l’étendue du pouvoir du juge, les parties tentent de s’assurer une certaine prévisibilité des décisions de justice. Elles écartent ainsi la part d’incertitude liée à l’intervention du juge dont les pouvoirs se sont beaucoup développés. Le juge n’hésite plus à modifier ou revoir les termes du contrat, à imposer des obligations que les parties n’avaient pas elles-mêmes prévues ou encore à supprimer celles qu’elles avaient à l’inverse pris soin d’inscrire.

Le contrat pourra ainsi prévoir quelle juridiction sera compétente pour connaitre du litige : on parle de clause attributive de compétence par laquelle les parties conviennent de confier le règlement d’un éventuel litige à une juridiction déterminée même si celle-ci n’est en principe pas compétente.

Les relations commerciales ayant souvent une dimension internationale, le choix de la loi applicable au contrat pourra également être précisé.

La pratique a mis en place diverses clauses tendant à organiser le traitement judiciaire des litiges. Ainsi, elle a développé les clauses liées à la preuve, les clauses pénales et de résolution ce qui démontre sa grande créativité.

Les clauses concernant la preuve

Deux types de clauses doivent être envisagées : celles qui ont pour objet de déterminer les procédés ou moyens de preuves ainsi que leurs forces probatoires et celles qui visent à constater un fait.

Les clauses relatives aux procédés de preuves recevables ont été admises dans deux très importants arrêts de la Cour de cassation en date du 8 novembre 1989. Les parties sont libres de conférer à un mode de preuve non prévu par la loi une valeur qui lie le juge dans son rôle de constatation des preuves produites par les parties.

Il existe également des clauses, qui sans se présenter expressément comme des clauses relatives à la preuve, produisent des effets parfois bien plus conséquents. Il s’agit des « clauses de constatation ». Le seul objet de ces clauses est de constater un fait, mais leurs conséquences sont d’écarter toute possibilité de contestation. Elles sont particulièrement fréquentes notamment pour préciser, par exemple, que l’acquéreur a pris connaissance de toutes les conditions de vente. L’efficacité de telle clause est généralement pleinement constatée.

Une des variantes est la clause d’indivisibilité attestant que toutes les clauses d’un contrat sont déterminantes concernant le consentement des parties. Dès lors, en cas de nullité d’une des clauses, le contrat entier tombe.

Toutefois, les clauses qui modifient la force probante, limitant expressément les preuves recevables ou prétendant apporter une preuve qui ne peut être remise en cause, peuvent porter atteinte à la fonction du juge : la recherche de la vérité. En cela, elles représentent potentiellement un danger pour les parties. Le juge peut donc empêcher la reconnaissance de ce type de clause grâce au principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve ou titre à lui-même ».

Leur rédaction doit donc être effectuée avec minutie et rigueur pour s’assurer qu’en cas de litige porté devant le juge, elles seront pleinement efficaces. L’aide d’un professionnel du droit représente alors un gage de sécurité supplémentaire.

Les clauses pénales et de résolution

En droit français, toutes les sanctions de la non-conformité et de l’inexécution du contrat sont, par principe, judiciaires. Pour justifier le rôle central du juge, l’adage « nul ne peut se faire justice à soi-même » est souvent invoqué.

Cependant, cet adage n’a pas valeur de principe absolu. Notamment en droit des contrats, les parties peuvent très largement se passer du juge pour faire cesser la relation contractuelle grâce à des mécanismes conventionnels. Les parties peuvent ainsi écarter le juge grâce à des clauses de résolution ou encore à des clauses pénales.

La validité de ces clauses est admise. Cependant, elles sont de plus en plus réglementées pour éviter les excès dont elles ont pu faire l’objet.

La clause pénale

La clause pénale est un moyen de pression destiné à encourager le débiteur à exécuter ses obligations sous la menace de devoir payer une importante somme d’argent en cas de défaillance. En général, pour parvenir à ce résultat, cette somme forfaitaire est très supérieure au montant du préjudice réel subi par le créancier-victime.

De plus, s’agissant d’une peine privée, elle permet de prévoir en amont le montant de l’indemnisation due en cas d’inexécution des obligations prévues dans le contrat. Les effets de cette clause sont d’anéantir le pouvoir du juge dans l’évaluation du montant des dommages et intérêts, les parties se substituant à lui. Sa mission se limite alors à faire respecter le montant prévu.

Le mécanisme de l’indemnisation, à hauteur du préjudice subi, est alors brisé, le créancier n’ayant par ailleurs plus besoin apporter la preuve de ce préjudice. Le seul événement devant être constaté par le juge est l’inexécution d’une ou plusieurs obligations incombant à l’une des parties.

Le juge dispose d’un pouvoir modérateur sur cette clause pénale grâce à son pouvoir de révision. Il peut alors réduire son montant d’office. Ce pouvoir du juge a été exceptionnellement reconnu par la loi de 1975 et a  été renforcé par la loi de 1985, donnant la possibilité au juge d’exercer d’office le pouvoir de modérer les indemnités manifestement excessives ou dérisoires. Cependant, cette révision reste l’exception.

Pour mettre en œuvre la révision, le juge doit constater une disproportion « manifeste » sans que la justification de la réduction ou de l’augmentation ne puisse se limiter à l’absence d’équivalence entre la peine et le préjudice.

Il faut toutefois noter que la clause pénale n’empêche pas d’obtenir une indemnité judiciaire. Cependant, il faut alors que le préjudice soit différent de celui réparé par la clause pénale. De plus, la pratique a également développé les clauses pénales minimales.

Les parties laissent la possibilité au juge d’apprécier la nécessité d’une indemnisation complémentaire à celle qu’elles ont prévue. Les deux indemnités portent alors sur le même préjudice. La réparation du préjudice dans son intégralité peut donc être obtenue si ce dernier s’avère supérieur au montant prévu. L’intérêt est d’assurer au créancier une somme minimum même si elle va au-delà de son préjudice subi, tandis qu’il pourra obtenir en complément une indemnisation évaluée judiciairement si son préjudice est beaucoup plus important.

Les pouvoirs du juge sont alors, dans cette hypothèse, entièrement conditionnés par l’intérêt du créancier. Dès lors que les parties respectent le sens de la mesure dans la rédaction de leur clause pénale, elles ont alors la liberté de prévoir l’étendue qu’elles entendent donner à la sanction d’une éventuelle inexécution.

La clause de résolution 

La résolution ou l’anéantissement du contrat est également présenté en droit français comme une sanction judiciaire. Toutefois, en présence d’une demande de résolution, l’étendue des pouvoirs reconnus au juge peut inciter les parties à se passer de son intervention.

Ainsi, la clause résolutoire est la clause par laquelle les parties conviennent qu’en cas d’inexécution, le contrat pourra être anéanti de plein droit sans l’intervention du juge. Elle a donc un rôle dissuasif en poussant le contractant défaillant à exécuter ses obligations. Cependant, si la menace n’a eu aucun effet dissuasif, elle permet d’écarter l’intervention du juge pour obtenir la résolution du contrat, les tribunaux se bornant à vérifier s’il y a réellement eu manquement et si les obligations inexécutées étaient visées par la clause.

Attention, la clause n’est pas acceptée dans tous les contrats, elle peut être prohibée par des dispositions spéciales notamment lorsqu’elle est conclue en faveur de l’employeur dans un contrat de travail.

Une fois l’inexécution constatée, il peut ainsi soit saisir le juge d’une action en exécution forcée, soit demander la résolution judiciaire du contrat, soit appliquer la clause de résolution. Si le créancier de l’obligation non exécutée décide de mettre en œuvre la clause, la résolution sera acquise sans l’intervention du juge.

Toutefois, ce choix peut être écarté si la clause prévoit une résolution automatique. Ce genre de clause est rare, car elle est non seulement rigoureuse pour le débiteur, mais peut être également désavantageuse pour le créancier. Cependant, le juge est simplement évincé du prononcé de la résolution, ce qui n’exclut pas qu’il soit saisi afin de la constater.

Le créancier pourra saisir dans l’urgence le juge des référés dans le cas où le débiteur refuse de s’incliner devant la résolution du contrat. Dans une procédure de référé, le rôle du juge est alors simplement celui de constater la résolution, à condition que la situation soit urgente. Par conséquent, dans l’hypothèse où le débiteur saisit le juge pour contester le bien-fondé de l’inexécution, le juge ne pourra que constater l’absence d’abus dans la mise en œuvre de la clause résolutoire.

Le juge ne peut pas refuser de constater la résolution, en se basant par exemple, sur la rigueur des effets de la clause ou sur les motifs ayant inspiré sa mise en œuvre. L’effet de cette clause est de permettre aux parties de déterminer l’inexécution justifiant la rupture du contrat en écartant le juge. Ses pouvoirs resteront donc limités sauf si le créancier, par son comportement abusif, compromet le bien-fondé de la résolution.

Par la seule rédaction d’un contrat, il est possible de prévoir les pouvoirs du juge en vertu de l’autonomie de la volonté. L’intervention d’un avocat en Droit commercial averti est donc indispensable pour prendre la pleine mesure de la créativité de la pratique et en cas de contentieux veiller au respect du contrat..

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