Loi de Finances 2024 : quoi de neuf pour les entreprises ?
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Jean Martin
Ancien Inspecteur des Impôts
Nous bénéficions de l'expertise de notre of counsel, Jean Martin, ancien Inspecteur des Impôts.
Sommaire
- L’imposition minimale des grands groupes d’entreprises
- Un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte
- Renforcement des règles relatives aux prix de transfert
- Prise en compte de l’actionnariat salarié : aménagement des règles
- Mesures visant à lutter contre la fraude en matière de TVA
- Contrôle fiscal : rentabilisation des vérifications de comptabilité
- Mise en œuvre du plan général de lutte contre la fraude fiscale
La Loi de finances pour 2024 (LF 2024) a été publiée le 30 décembre 2023 au Journal officiel de la République française. Comme depuis déjà bien des années, les diverses dispositions annoncées ne relèvent pas encore d’une « révolution fiscale ». Cependant, Avocats Picovschi qui s’oblige à suivre en permanence l’actualité se propose d’évoquer déjà les mesures les plus caractéristiques destinées aux entreprises.
L’imposition minimale des grands groupes d’entreprises
La LF 2024 officialise la mise en place d’un impôt sur les bénéfices sur la base d’un taux d’imposition minimal de 15 % pour les groupes d’entreprises dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 750 millions d’€.
Cet impôt complémentaire devra en principe être versé par l’entité mère ultime du groupe, dans son Etat de résidence selon la règle d’inclusion du revenu. Mais il est prévu que les Etats puissent décider de créer un impôt complémentaire national afin de collecter eux-mêmes cet impôt au titre des entités constitutives établies sur leur territoire.
Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, à l’exception de la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés dont l’application serait reportée aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.
Des précisions seront apportées en ce qui concerne les obligations déclaratives pour cet impôt minimum, ainsi que pour les modalités pratiques qui présideront à son recouvrement et à son contrôle.
Un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte
Sous le sigle un peu novateur « C3IV », ce dispositif d’optimisation fiscale concernera les entreprises qui engageront sur le territoire national des dépenses d’investissement en lien avec des activités contribuant à la production de batteries, de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes et de pompes à chaleur.
Le taux du crédit d’impôt fixé à 20 % sera porté à 25 % pour les investissements réalisés dans une zone à finalité régionale (ZAFR) ou à 40 % pour ceux effectués dans les régions ultrapériphériques (RUP). Ces différents taux seraient majorés de 10 % pour les moyennes entreprises et de 20 % pour les petites entreprises.
En principe, le montant maximal de l’aide sera de 150 millions d’€, relevé respectivement à 200 millions d’€ ou à 350 millions d’€ pour les investissements réalisés dans des ZAFR ou des RUP.
Le crédit d’impôt, calculé sur la base des dépenses éligibles exposées au titre de chaque exercice sera imputable sur l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu. L’excédent éventuel de l’avantage fiscal sera susceptible d’être restitué directement à l’entreprise.
Le bénéfice de ce crédit d’impôt sera conditionné au respect de la réglementation européenne sur les aides d’Etat et à l’obtention préalable d’un agrément de l’administration, après avis conforme de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Celle-ci devra attester que les activités engagées dans la demande d’agrément entrent bien dans le champ d’application des activités éligibles.
Par ailleurs, pour éviter le transfert d’activités déjà exercées dans l’Union européenne, cette aide ne pourra s’appliquer que si l’entreprise n’a pas procédé, au cours des deux exercices précédant le dépôt de l’agrément, à un transfert vers la France d’activités similaires ou identiques depuis un autre Etat membre ou un Etat de l’Espace économique européen.
Enfin, l’entreprise sera tenue en particulier de respecter l’ensemble de ses obligations, fiscales, sociales et environnementales, de s’engager à exploiter en France les investissements éligibles pendant cinq ans à compter de leur mise en service et à ne pas transférer hors de France des actifs ayant bénéficié du crédit d’impôt au cours des cinq exercices suivant leur mise en service.
Sous réserve de la validation du dispositif par la Commission européenne, cette nouvelle niche fiscale sera applicable aux projets agréés jusqu’au 31 décembre 2025 et dont le dépôt de la demande a été effectué à compter du 27 septembre 2023.
Renforcement des règles relatives aux prix de transfert
La LF 2024 prévoit différentes mesures applicables pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, destinées à permettre au fisc de renforcer les contrôles des prix de transfert.
D’abord, le seuil de chiffres d’affaires ou de l’actif brut figurant au bilan à partir duquel une société est tenue de présenter à l’administration fiscale une documentation complète de la politique de prix de transfert du groupe est ramené de 400 millions à 150 millions d’€.
Ensuite, les nouvelles dispositions applicables aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 rendent opposables aux entreprises le contenu de leur documentation en matière de prix de transfert.
Ainsi, la nouvelle version de l’article 57 du Code général des impôts (CGI) présume l’existence d’un transfert de bénéfices à l’étranger en cas d’écart entre le résultat déclaré par la société et le montant qui aurait été atteint si les règles prévues dans sa documentation avaient été respectées. Dans cette situation, ce sera alors à la société de renverser cette présomption en démontrant la réalité de l’absence de transfert de bénéfices à l’étranger.
De plus, le montant minimal de l’amende sanctionnant le défaut de présentation par une entreprise de sa documentation en matière de prix de transfert ou le défaut de réponse aux demandes d’informations de l’administration fiscale est porté de 10 000 € à 50 000 €.
Enfin, la LF 2024 autorise à présent les inspecteurs des Finances publiques à rectifier le prix de cession des actifs incorporels, difficiles à évaluer sur la base des résultats postérieurs à l’exercice au cours duquel a eu la transaction. Et pour de telles cessions, le délai de reprise de la part du fisc est étendu jusqu’à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Prise en compte de l’actionnariat salarié : aménagement des règles
Pour éviter que les dispositifs d’actionnariat salarié fassent obstacle à l’intégration fiscale de sociétés, il est prévu pour apprécier le seuil de détention de 95 %, qu’il ne soit pas tenu compte dans la limite de 10 % du capital, des titres émis ou attribués dans le cadre de dispositifs de souscription ou d’achat d’actions, d’attribution gratuite d’actions ou à l’occasion d'augmentations de capital réservées aux adhérents d’un Plan d'épargne entreprise (y compris si ces dispositifs sont mis en place au niveau d'un groupe économique et non au niveau de la seule société émettrice ou attributrice).
Par ailleurs, il est procédé à des aménagements pour maintenir la non-prise en considération de tels titres dans le cas où un salarié cesse ses fonctions dans la société qui l’employait à la date de l’émission ou de l’attribution des titres pour rejoindre une autre société du même groupe économique, incluse dans le plan d’émission ou d’attribution.
Dans cette configuration, la non prise en compte des titres cessera dans les cas suivants :
- lorsque le salarié cèdera les titres ou cessera ses fonctions au sein des sociétés incluses dans le périmètre du plan.
- lorsque celui-ci exercera ses fonctions dans une société initialement incluse dans le périmètre du plan mais qui ne remplit plus les conditions qui permettraient de l’inclure dans un nouveau plan avec la société émettrice ou attributrice.
- ou encore lorsque la société qui emploiera le salarié était initialement incluse dans le périmètre du plan mais ne remplira plus les conditions qui permettraient de l’inclure dans un nouveau plan avec la société émettrice ou attributrice.
Ces règles spécifiques et très rébarbatives qui ne concerneront que les plans d'actionnariat mis en place au niveau d’un groupe économique doivent s’appliquer aux exercices clos à compter du 31 décembre 2023.
Mesures visant à lutter contre la fraude en matière de TVA
Parmi les diverses dispositions prévues, retenons les plus significatives d’entre elles :
- les opérateurs achetant des biens situés en dehors de l’Union européenne et les revendant en ligne en France sans jamais en disposer physiquement (dropshippers) seront redevables de la TVA à l’importation sur les ventes à distance de biens importés, à moins qu’ils ne s’assurent que celle-ci est bien perçue sur l’intégralité du prix du bien lors de son importation.
- une procédure de mise en conformité fiscale est introduite pour inciter les assujettis fournissant des services par voie électronique par l’intermédiaire d’une interface en ligne à respecter leurs obligations en matière de TVA.
- l’accréditation d’un représentant pour les assujettis non établis dans l’Union européenne devant satisfaire à des obligations déclaratives en France est remplacée par un dispositif plus simple, se résumant à la désignation d’un mandataire lorsque ces assujettis réalisent en France uniquement certaines opérations particulières ne se traduisant par aucun paiement effectif de TVA.
- sont à présent expressément soumises à la TVA en France les locations de biens meubles corporels autres que des moyens de transport, fournies à un preneur qui n’est pas établi ou n’a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union européenne.
la LF 2024 prévoit une distinction plus explicite entre d’une part, le secteur hôtelier et assimilé dont les meublés de tourisme et d’autre part, le secteur résidentiel, en conservant néanmoins le critère relatif à la fourniture de certaines prestations de services.
Contrôle fiscal : rentabilisation des vérifications de comptabilité
La modification de l’article L. 13 du Livre des procédures fiscales (LPF) tendant à optimiser au sens littéral du terme les interventions des inspecteurs des Finances publiques lors d’une vérification de comptabilité est entérinée.
Concrètement, depuis le 1er janvier 2024, il est prévu que les opérations de contrôle puissent se dérouler officiellement dans les locaux des services vérificateurs. Même si ce changement capital ne devrait pas entraîner paraît-il, la remise en cause de l’obligation pour les représentants de l’administration fiscale d’instaurer un débat oral et contradictoire avec les contribuables, les Avocats fiscalistes vont avoir du pain sur la planche !
En tous les cas, Avocats Picovschi se promet de scruter à la loupe les modalités pratiques d’application résultant de l’aménagement de l’article L. 13 du LPF, destiné à l’évidence à permettre aux fonctionnaires de Bercy de vérifier encore plus d’entreprises … en étant plus souvent, confortablement assis à leur bureau au lieu de devoir se « rendre sur place ».
Hormis pour la procédure de vérification de comptabilité proprement dite, cette modification fondamentale concernera aussi la procédure spécifique autorisant les Agents du fisc à contrôler la régularité de la délivrance de reçus ou d’attestations ouvrant droit aux réductions d’impôt en matière de dons dans le cadre du mécénat d’entreprise.
Mise en œuvre du plan général de lutte contre la fraude fiscale
Les « promesses » du Gouvernement sont tenues …
Parmi un « beau » panel, on peut sélectionner les plus révélatrices de l’intention nettement affichée de passer à la vitesse supérieure :
- les Agents de l’administration fiscale auront la possibilité, non seulement de prendre connaissance de toutes informations publiquement accessibles sur des plateformes en ligne, mais aussi de participer eux-mêmes en utilisant des pseudonymes, à des échanges électroniques avec les auteurs présumés de négligences déclaratives.
- les règles qui président au déroulement des visites domiciliaires sont aménagées en vue de pouvoir être appliquées également aux investigations afférentes aux manquements constatés au regard notamment, des règles propres aux réductions et crédits d’impôt.
- l’extension du champ d’application du dispositif d’indemnisation des aviseurs fiscaux est « pérennisée ».
- L’obligation de communiquer annuellement à l’administration fiscale la liste des comptes d’actifs numériques détenus à l’étranger est étendue à toutes les personnes morales.
- Un nouveau délit, passible de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 € d’amende, sanctionnera la mise à disposition d’instruments ayant pour but de permettre à des personnes de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts.
En d’autres termes … que « du bonheur » !
Avocats Picovschi compétent en Droit fiscal continuera bien entendu en 2024 à suivre au quotidien l’actualité fiscale, afin de se trouver en mesure de répondre aux attentes des responsables d’entreprises.
N'hésitez pas à vous rapprocher de ses Avocats fiscalistes et de ses juristes dont la complémentarité s’avère particulièrement efficace en toutes circonstances. Et l’ensemble de l’équipe se tient prêt à répondre à vos diverses interrogations bien légitimes, susceptibles de survenir au plan fiscal pour votre entreprise.