Démembrement d’une somme d’argent : fin des avantages fiscaux avec la loi de finances 2024

Démembrement d’une somme d’argent : fin des avantages fiscaux avec la loi de finances 2024

Sommaire

Dans le cadre de la transmission de votre patrimoine, vous avez fait ou envisagez de faire une donation de la nue-propriété d’une somme d’argent à vos enfants ? Vous avez entendu parler des avantages fiscaux du démembrement de propriété ? Attention ! L’article 26 de la loi de Finances 2024 est venu mettre fin aux avantages fiscaux jusqu’alors accordés à la donation de nue-propriété d’une somme d’argent. Explications par Avocats Picovschi, compétent en droit fiscal et droit patrimonial.

Démembrement de propriété : en quoi ça consiste ?

Le démembrement de propriété est une notion juridique qui présente de nombreux avantages en matière de transmission de patrimoine. S’il concerne généralement un bien immobilier, il peut également porter sur des titres (actions ou parts sociales), une somme d’argent, un compte bancaire ou encore une assurance-vie.

Il est important de rappeler que le droit de propriété est composé de trois éléments distincts :

  • L'usus : droit d'utiliser le bien ;
  • Le fructus : droit d'en percevoir les fruits, comme les loyers ou les intérêts ;
  • L'abusus : droit de disposer du bien, c'est-à-dire de le vendre, le donner ou le détruire.

Le démembrement de propriété consiste à séparer ces trois prérogatives entre plusieurs personnes.

Dans le cadre d’une stratégie de transmission de patrimoine, le donateur fait généralement une donation de la nue-propriété à ses enfants et en conserve l’usufruit. Dans ce cas, les droits de donation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété, laquelle dépend de l’âge du donateur (article 669 du Code général des impôts).

Par exemple, si un donateur âgé de 75 ans fait une donation de la nue-propriété d’un bien, les droits de donation seront calculés sur 70% de la valeur vénale du bien en nue-propriété.

Au décès de l’usufruitier, le donateur récupère la pleine propriété sans droits supplémentaires à payer.

Ainsi, si vous décidez de donner la nue-propriété d’un bien immobilier à un enfant, vous pouvez occuper celui-ci ou le louer en percevant les loyers.

Bien employé, ce mécanisme permet de transmettre un bien immobilier sans payer d’impôts.

Cependant, le démembrement de propriété doit être utilisé avec précaution et faire l'objet d'une réflexion approfondie. Par exemple, la séparation de la pleine propriété d’un bien immobilier peut entraîner des conflits entre usufruitier et nu-propriétaire, notamment en cas de vente du bien ou de travaux à réaliser.

Avocats Picovschi est tout désigné non seulement pour vous fournir des conseils juridiques éclairés sur les implications légales du démembrement de propriété en vous aidant à prévenir les conflits potentiels entre usufruitier et nu-propriétaire, mais également pour analyser les conséquences fiscales de l’opération en vue de préconiser la stratégie la plus adéquate à adopter.

Chaque cas étant différent, nos avocats peuvent vous assister pour adapter le démembrement à votre situation personnelle et patrimoniale en tenant compte de vos objectifs et contraintes.

Donation de la nue-propriété d’une somme d’argent : est-ce une bonne idée ?

Démembrement d’une somme d’argent : comment ça marche ?

Le démembrement d’une somme d’argent permet au donateur de conserver l’usufruit et de pouvoir disposer des fonds comme bon lui semble. On parle dans ce cas de donation du quasi-usufruit.

Comme pour tout démembrement, les droits de donation sont calculés sur la seule valeur de la nue-propriété.

Au moment du décès, les donataires disposent d’une créance de restitution sur la succession qui leur permet de récupérer une somme équivalente de celle ayant fait l’objet de la donation.

Avant la loi de Finances 2024, les enfants ne payaient des droits de donation que sur la valeur de la nue-propriété et avaient la faculté de déduire l’intégralité de la somme de la succession. Ils n’avaient donc pas de droits de succession complémentaires à payer et devenaient propriétaires de la totalité des fonds sans que la valeur de l'usufruit soit taxée au décès des parents. Ce n’est désormais plus le cas.

En effet, selon le nouvel article 774 bis du Code général des impôts « ne sont pas déductibles de l'actif successoral les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit. »

De plus, cet article précise que « la valeur correspondant à la dette de restitution non-déductible de l'actif successoral (…) donne lieu à la perception de droits de mutation par décès dus par le nu-propriétaire ».

Plus clairement, la dette de restitution sera donc soumise aux droits de succession.

Toutefois, il convient de signaler qu’en vue d’éviter une double imposition, les droits de donation déjà payés au moment du démembrement sont déductibles des droits de succession dus au décès.

Pourquoi ce changement ?

En 2023, le comité d’abus de droit fiscal a eu à se prononcer sur une succession dans le viseur de Bercy.

Pour rappel, l'article L. 64 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) définit l'abus de droit fiscal et autorise l'administration à ignorer les actes qui en relèvent, afin de rétablir leur véritable nature. Ces actes peuvent être soit fictifs, soit viser à exploiter une interprétation littérale des textes ou des décisions contrairement aux intentions de leurs auteurs. Ils ne sont motivés que par la volonté d'éviter ou de réduire les obligations fiscales que la personne concernée aurait dû assumer normalement, compte tenu de sa situation ou de ses activités effectives, si ces actes n'avaient pas été réalisés. L’abus de droit peut donc sanctionner les personnes qui ont détourné l’esprit de la loi, sans la violer, dans un but de minorer l’imposition due.

En l’espèce, une mère avait donné la nue-propriété d’une somme de 3,2 millions d’euros à ses enfants tout en conservant l’usufruit. Elle pouvait donc disposer de cette somme comme bon lui semblait.

Au décès de leur mère, les enfants ont fait valoir leur créance de restitution de 3,2 millions d’euros sur la succession afin de récupérer cette somme en pleine propriété sans avoir de droits de succession à payer dessus.

L’administration fiscale a rejeté la déduction et, estimant qu’il s’agissait d’une donation fictive puisque la mère conservait les fonds, a mis en œuvre la procédure d’abus de droit.

Dans son avis rendu le 11 mai 2023, le comité d’abus de droit fiscal a considéré que la donation était bien réelle et que la dette de restitution était bien déductible de la succession, mettant ainsi en échec l’administration fiscale.

C’était sans compter sur la riposte de Bercy, rarement bon perdant, qui est bien entendu « l’initiateur » de l’article 774 bis du Code général des impôts. Celui-ci interdit donc la déduction des dettes de restitution liées aux donations de sommes d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit, et ce pour toutes les successions ouvertes à compter de la promulgation de la loi (soit depuis le 29 décembre 2023).

Pour aller plus loin

L’article 774 bis précité vise également le produit de la vente d’un bien dont la nue-propriété a fait l’objet d’une donation.

En principe, en cas de vente, l’article 621 du Code civil prévoit que « le prix se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits ».

Néanmoins, l’usufruitier et le nue-propriétaire ont la possibilité de décider d’un commun accord, de réinvestir le produit de la vente dans l’achat d’un autre bien dont la propriété sera également démembrée ou encore prévoir un quasi-usufruit qui permettra à l’usufruit de garder la libre disposition des fonds.

Dans ce dernier cas, l’article 774 bis du Code général des impôts prévoit que le nu-propriétaire pourra déduire une créance de restitution sous réserve de se trouver en mesure de justifier que le choix du quasi-usufruit sur le prix de cession n'avait pas une « motivation principalement fiscale ».

A l’évidence, il est donc indispensable de se faire accompagner par un avocat compétent en droit patrimonial afin d’anticiper au plus tôt tout contentieux avec l’administration fiscale.

Il est précisé que les nouvelles dispositions législatives ne s’appliquent pas lorsque le quasi-usufruit résulte d’une succession et non d’une donation. Aussi lorsque le conjoint survivant hérite de l’usufruit de la succession de son époux et par voie de conséquence du quasi-usufruit des liquidités, que ce soit par l’exercice de son option successorale ou grâce à une donation entre époux, les enfants nus-propriétaires auront toujours la faculté de déduire de la succession du conjoint survivant la créance de restitution. Ils n’auront donc pas de droits de succession à payer sur cette somme.

Quel avenir pour le démembrement de propriété ?

Les biens immobiliers et assurances-vie sont-ils impactés ? Pour l’instant, non.

Il n’en demeure pas moins qu’il convient de rester attentif aux évolutions législatives.

Pourquoi le législateur s’attaquerait au démembrement de propriété d’une somme d’argent et pas aux biens immobiliers, assurances-vie, actions, etc. ?

Quoiqu’il advienne, Avocats Picovschi, compétent en droit fiscal et droit du patrimoine à Paris depuis 1988, se tient prêt à vous aider à optimiser et à transmettre votre patrimoine dans les conditions les plus avantageuses, tout en vous évitant des tracas avec l’administration fiscale.

Sources :

LOI n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, https://www.legifrance.gouv.fr

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