Remise en cause du droit au logement du conjoint survivant

Remise en cause du droit au logement du conjoint survivant

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La jouissance d’une maison ou d’un appartement transmis par voie successorale peut être retardée par l’utilisation par le conjoint survivant de son droit au logement. De quoi s’agit-il ? De la possibilité pour ce dernier de continuer d’habiter l’habitation léguée jusqu’à un an après le décès du testateur. Ce droit peut-il être remis en cause par les héritiers ? Avocats Picovschi répond. 

Le droit temporaire au logement

Il faut savoir que les droits au logement du conjoint survivant sont au nombre de deux : le conjoint dispose d’un droit temporaire et d’un droit viager au logement.

Ce droit temporaire au logement permet au conjoint survivant de ne pas être immédiatement délogé et ainsi de ne pas aggraver la situation liée au deuil.

Peu importe que le conjoint survivant ait des droits ou non dans l’héritage, accepte ou renonce à la succession, il pourra occuper le logement sans payer de contrepartie pendant un an à partir de la date du décès.

Ainsi, si vos parents étaient toujours mariés, mais vivaient séparément au moment du décès de l’un, le parent restant a droit de continuer à habiter le même logement pendant un an. Ce dernier pourrait même vous réclamer le paiement des loyers si ce logement est l’objet d’un contrat de bail.

Ce droit temporaire étant d’ordre public, l’époux propriétaire d’immeuble ne peut pas priver son conjoint de son droit temporaire au logement. Cela a pour conséquence que si votre parent vous a légué par testament le bien servant au logement de son conjoint, vous devriez laisser le conjoint survivant se maintenir dans les lieux pendant douze mois.

Si des problèmes surviennent quant au logement : abus par le conjoint de son droit d’habitation ou blocage des enfants empêchant le conjoint d’exercer son droit, n’hésitez pas à contacter un avocat compétent qui pourra préparer la défense de vos droits.

Le droit viager au logement lié à l’acceptation de la succession

Le conjoint survivant peut aussi bénéficier d’un droit viager d’habitation sur sa résidence principale, ainsi qu’un droit d’usage du mobilier le garnissant.

C’est un droit dans la succession, donc le conjoint survivant pour en bénéficier doit accepter la succession. Parallèlement, la réclamation de ce droit entraîne l’acceptation de sa part dans l’héritage.

Par l’analyse de votre situation, votre avocat pourra vérifier si toutes les conditions ont été respectées pour que le conjoint puisse prétendre à ce droit viager.

Dans quelles conditions le conjoint survivant peut-il prétendre au droit viager au logement ?

Au moment du décès, le conjoint survivant doit occuper de manière effective le bien immobilier à titre d’habitation principale. Il ne peut pas vous réclamer l’usage de plus que le bien affecté à son logement.

Dans une affaire récente, pour bénéficier de son droit viager sur deux lots d’une même copropriété, le conjoint survivant faisait notamment valoir qu’il était de l’intention du défunt d’affecter les deux lots pris dans son ensemble à son logement. La Cour de cassation pour rejeter sa demande rappelle que les lots étaient indépendants l’un de l’autre, et que seul le premier lot était effectivement occupé à titre d’habitation principale par le défunt et son épouse à l’époque du décès. Son droit viager ne porte que sur le premier lot, à l’exclusion de l’autre qui n’en était pas l’accessoire. (Civ. 1, 25 sept. 2013, n° 12-21.569)

Le logement doit dépendre totalement de la succession légale, ou appartenir aux deux époux ensemble. Si le logement était détenu par le défunt en indivision avec un tiers, le conjoint ne peut pas réclamer son droit viager.

Il est à noter cependant que même si le défunt avait légué par testament olographe le logement principal à ses enfants, le conjoint survivant peut tout de même prétendre à son droit viager au logement. (Civ 1, 15 déc. 2010, n° 09-68.076)

Enfin, pour bénéficier du droit viager au logement, le conjoint survivant dispose d’un an à partir du décès pour en faire la demande. Au terme de ce délai, le bénéfice du droit viager est perdu.

Vérification d’une éventuelle privation du droit viager

Ce droit viager n’était pas d’ordre public, l’époux unique propriétaire du bien en jeu peut en priver son conjoint. Pour garantir au mieux les droits des héritiers, votre avocat pourra notamment s’assurer que la privation du droit viager n’a pas été faite par testament olographe, mais par testament authentique.

En effet, dans une affaire récente, le défunt avait laissé un testament olographe dans lequel il exprimait sa volonté de limiter les droits de sa seconde épouse à seulement l’usufruit d’un immeuble d’habitation secondaire. L’épouse mécontente réclamait notamment son droit viager sur l’immeuble affecté à l’habitation principale. La Cour de cassation a considéré en son profit qu’il ne pouvait y avoir privation du droit viager au logement du conjoint survivant par un testament olographe. (Civ 1, 15 déc. 2010, préc.)

Il arrive parfois que le testament du défunt ne soit pas clair et soit interprété en votre défaveur, il vous est conseillé de vous faire assister au plus tôt par un avocat afin de protéger aux mieux vos intérêts.

Que faire si le conjoint cède ou loue le bien affecté à son logement ?

Le droit viager au logement est un droit d’usage et d’habitation. En conséquence, le conjoint survivant ne peut en principe ni louer ni céder le bien. Une exception est prévue par la loi lorsque son logement n’est plus adapté à ses besoins : le titulaire du droit viager peut donner à bail le logement afin d’en dégager les ressources nécessaires pour financer son nouvel hébergement (maison de retraite le plus souvent). Si le conjoint survivant a loué pour d’autres raisons, ou même cédé le bien, il commet une faute dont les juges du fond apprécieront souverainement les conséquences. Dans une affaire, les juges ont sanctionné la faute par l’extinction même du droit d’habitation.

Si vous soupçonnez le conjoint survivant de dépasser son simple droit d’habitation ou si en tant que conjoint survivant vous ne pouvez exercer votre droit en raison de conflits familiaux, n’hésitez pas à contacter un avocat qui vous éclairera sur les recours possibles et vous accompagnera dans l’accomplissement de vos procédures.

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