Les évolutions règlementaires du marché de l'aéronautique

Les évolutions règlementaires du marché de  l'aéronautique

Après des années particulièrement difficiles, l'Association du transport aérien international (IATA) note que le trafic aérien a augmenté globalement de 50% ces 10 dernières années. Malgré ce contexte encourageant, les industries aéronautiques internationales réorganisent leur positionnement stratégique dans un secteur particulièrement fragile et hautement  concurrentiel pour gagner en flexibilité et en compétitivité et affronter la création du ciel unique européen.

Dans cette perspective, l'ensemble des entreprises aéronautiques, tant les compagnies que les constructeurs ou leurs sous traitants, doivent optimiser leurs alliances commerciales par des accords juridiques solides afin de garantir leurs intérêts face à la concurrence mais également face à une législation internationale et surtout européenne particulièrement complexe.

L'actualité de l'Aéronautique illustre parfaitement cette nécessité d'une absolue maîtrise des législations en matière de société, de commerce, de droit aérien, tant au niveau communautaire qu'international.

Ainsi, avant de développer la nécessité pour les entreprises d'optimiser leurs accords juridiques (II), et évoquer l'impact des dernières évolutions réglementaires (III),  doivent être rappelés, les nouvelles dispositions sur l'attribution des créneaux horaires et plus particulièrement, les pouvoirs de la commission administrative de l'Aviation Civile dont les décisions peuvent engendrer des litiges aux conséquences financières importantes, pour exercer des recours efficaces. (I)

La Commission administrative de l'Aviation Civile et l'attribution des créneaux aériens

La Commission administrative de l'Aviation Civile

Placée sous l'autorité du ministre des Transports, la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC), assure la régularité de la navigation aérienne, ainsi que la planification des infrastructures. Elle comprend en son sein la commission administrative de l'aviation civile (CAAC) dont la principale mission est de communiquer au ministre «  un avis sur les sanctions administratives qui peuvent être appliquées en cas de manquements aux dispositions des livres I ou III, tels que les vols réalisés en dehors des créneaux attribués. (article  R. 160-3 du code de l'Aviation Civile).Définie par les articles R 160-1 et R 330-20 du Code de l'Aviation Civile, la procédure d'instruction des dossiers se déroule comme suit :Les affaires dont est saisie la commission, sont instruites par un rapporteur qui peut solliciter l'audition de toute personne ou la production de toute pièce estimée utile à l'instruction.

Les délibérations sont secrètes et donnent lieu à la rédaction d'un avis transmis au ministre qui fixe , s'il y a lieu, par manquement constaté, une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 F pour une personne physique et 50 000 F pour une personne morale. Ces sanctions sont doublées en cas de récidive dans le délai d'un an.

Constituant des actes administratifs, un recours de pleine juridiction est possible contre ces décisions.

L'attribution des créneaux

Dans les aéroports dont la capacité est limitée (c'est à dire les aéroports dits « entièrement coordonnés »),  la réglementation de  l'attribution des créneaux aériens tend à garantir l'utilisation efficace des créneaux d'atterrissage et de décollage disponibles.  En effet, sur ces aéroports, tels les aéroports de Paris, l'obtention préalable de créneaux est nécessaire pour atterir ou décoller. Cette attribution est réalisée par une autorité indépendante, le coordinateur. Les créneaux sont attachés aux compagnies, ils peuvent être échangés entre les transporteurs, mais ne peuvent ni être donnés ni vendus. Un des problèmes majeurs des compagnies, est d'utiliser correctement pendant 80% de la période pour laquelle elles les ont sollicités, les créneaux obtenus, afin qu'ils leurs soient automatiquement réattribués. Cette exigence conduit parfois les transporteurs à exploiter à perte.

En outre, les créneaux horaires disponibles (rendus par les compagnies ou réattribués du fait d'une utilisation insuffisante ou ceux nouvellement créés) sont regroupés dans un « pool » et attribués pour moitié aux « nouveaux arrivants » c'est à dire les transporteurs peu ou pas présents sur les aéroports et pour moitié aux autres. L'effet pervers de cette réglementation est la restriction de l'accès des principaux aéroports à certaines compagnies et de limiter le jeu de la concurrence

Le nouveau règlement 793/2004 CE relatif à l'attribution des créneaux horaires dans la Communauté, réformant le règlement 95/93, est entré en vigueur depuis le 1 juillet 2004. Bien qu'il ne modifie pas les grands principes d'attribution, il précise le statut juridique, les règles et procédures d'attribution des créneaux. Par exemple, les transporteurs aériens peuvent désormais, sous certaines conditions, reprogrammer les créneaux relevant de droits acquis.

Ensuite, les échanges de créneaux sans mécanisme de compensation sont toujours expressément interdits et, afin d'éviter la  dégradation des conditions concurrentielles, l'utilisation des créneaux échangés est imposée, pour  réduire leur commerce.

Il convient maintenant d'aborder l'importance juridique et économique pour les entreprises aéronautiques,des alliances commerciales pour soutenir un développement solide.

L'enjeux des alliances commerciales

Afin d'optimiser leurs résultats et étendre leurs marchés, il s'avère crucial pour les industries de l'aéronautique de développer des partenariats particulièrement judicieux.

Ainsi, face aux compagnies « low cost » développées sur le modèle de la compagnie américaine South West, qui gagnent rapidement des parts de marché, les compagnies aériennes traditionnelles doivent faire face  à des réorganisations de grande ampleur par des accords de coopération sur le plan technique et commercial, pour aboutir à une "globalisation" par des prises de participations croisées entre compagnies. La phase suivante est  la conclusion d'alliances. L'opération Air France/ KLM est emblématique de ces prises de participation capitalistiques. Or ce mouvement doit être réalisé dans le respect des multiples directives européennes édictées en matière de concurrence (Ex : Règlement CE 139/2004, 1/2003, ou 447/98) et être notifiées dans certains cas à la Commission ((règlement 4064/89)

Par ailleurs, les compagnies peuvent sous-traiter  à leurs filiales, à des franchisés ou à des compagnies partenaires le trafic intra européen. (vols en partage de codes) .N'entraînant pas de fusion totale, ces accords ne font l'objet que d'un contrôle de l'autorité de concurrence.

Parallèlement à ce marché, le développement de l'aviation d'affaires sur un marché de niche  est étroitement lié à l'éclaircissement de son statut juridique au niveau européen (en matière de douanes et de cabotage) et par une réglementation sur la propriété partagée.

Deux principales tendances se dégagent au niveau des constructeurs (motoristes, ingénieries électroniques, sociétés de télécommunication). Les sous traitants sont associés au processus d'élaboration et de construction afin de s'adapter à la variation des programmes et gagner en flexibilité. Par ailleurs, la conclusion de partenariats internationaux, d'alliances, la création de consortiums ou l'acquisition de prise de participation leur permettent d'augmenter leur interopérabilité, de diminuer les coûts de recherche développement tout en augmentant leur part de marché.

(L'A380 a ainsi été développé par un groupement de sociétés Européennes, dont le consortium est dirigé par Airbus).

Du fait de la synergie des hautes technologies aéronautiques et navales (mêmes systèmes de contre mesures et transmissions semblables), des contrats de développement de plus en plus nombreux sont élaborés dans ce secteur.

Or ces alliances, dont il résulte des transferts de technologie déterminants, doivent être sécurisé juridiquement, soit par la création de nouvelles sociétés, soit par des prises de participation, ou plus simplement par des contrats cadres spécifiques, et flexibles dans le respect de la législation en matière d'entente et de concurrence.

Ainsi, afin de gagner en interopérabilité, le développement  conjoint entre les compagnies aériennes et les entreprises informatiques, de technologies de l'information à travers la création de standard ouverts de communication permet l'obtention de nouveau marchés,  Dans cette perspective, l'assistance et la capacité de négociation d'un cabinet d'avocat d'affaires spécialisé permet la mise en oeuvre de projets communs entre entreprises au coeur de compétence différents. 

Il en est de même pour la conclusion d'accords de maintenance et de supports logistiques sur les pièces (moteurs, freins, roues) entre les constructeurs et les compagnies.(Ex Canjet Airlines et Messier-Bugatti-Tracer)

Dans le cadre de la commercialisation des billets d'avion, les compagnies aériennes sont amenées à développer en partenariat des systèmes de réservation telle l'association d' Air France avec Lufthansa et d'Ibéria  développer « Amadeus ». Or ces  systèmes centralisés de réservation (SCR) ne doivent pas aboutir à des accords ayant pour effet des pratiques anticoncurrentielles. Seraient ainsi prohibées les clauses d'exclusivité.

Ainsi, afin de garantir la pérennité juridique et économique de ces partenariats donnant lieu à la création de sociétés en France, le choix de la forme sociale, est déterminant, tant sur le plan commercial que social ou fiscal.. En effet, la création et le développement de sociétés transnationales implantées en France, permettent une négociation avec les autorités Européennes, les organisations de contrôle ou de régulation ou les administrations (publiques, politiques…) particulièrement efficace, en raison d'une parfaite connaissance des évolutions légales et réglementaires.

En outre, si l'on dispose de conseils avisés, la France constitue un lieu d'implantation de sociétés extrêmement compétitif contrairement à l'idée répandue. Ainsi, il est possible en choississant les statuts sociaux adéquates de n'avoir à acquitter que 20 à 25% de charges sur les salaires, en bénéficiant de la couverture sociale octroyée par la sécurité sociale.

Les dernières évolutions de la législation  Aérienne Européenne

La réalisation d'un « ciel unique européen » d'ici le 31 décembre 2004 dans un cadre sécurisé, permettra une utilisation optimale de l'espace aérien en fonction du trafic et non des frontières, et une diminution pour les compagnies des coûts engendrés par les retards.( €1.3 et €1.9 milliard par an)

En matière d'attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la communauté, la réforme instituée par le règlement Européen 793/ 2004  apporte des définitions plus claires et des priorités parmi les critères d'attribution afin de maintenir le niveau de concurrence sans distorsion. (Voir paragraphe précédant) Ainsi, par exemple, les échanges de créneaux sont autorisés sous condition de réciprocité et une obligation d'utilisation est imposée de façon à réduire leurs commerces. Par ailleurs, la Commission Européenne s'engage dans les mois qui viennent à proposer une révision des règlements relatifs aux créneaux horaires, aux systèmes informatisés de réservation et de la directive relative à l'assistance en escale.

La commission entend également résoudre la question du financement des mesures de sûreté en suspend du fait d'un désaccord entre le Conseil et le Parlement, et finaliser l'accord aérien transatlantique entre l'Union Européenne et les Etats-Unis. Par conséquent, il convient de veiller aux retombées commerciales et juridiques concrètes de la création d'un « espace ouvert de l'aviation » entre l'Europe et les Etats-Unis.

Un projet de loi relatif à la modernisation du secteur aéroportuaire est en préparation, sans que les exploitants aériens n'aient été préalablement consultés, et ce alors que les propositions envisagées sont déterminantes pour le secteur. Il serait ainsi envisagé, la mise en place d'un régime de domanialité privée, une réforme du régime de régulation des redevances aéroportuaires et une extension de l'objet statuaire d'Aéroports de Paris autorisant une diversification économique de leurs activités. 

La simplification procédurale des certifications permise par la création en juillet 2002 de l'agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) permet une économie substantielle pour les industries aéronautiques.

Par la certification des produits (certificats de type, consignes de navigabilité et agrément des organismes de conception), les industriels obtiennent désormais des certificats valables sur l'ensemble de l'union. Afin d'accélérer les possibles négociations et la délivrance des certificats, le pouvoir de négociation et  l'assistance d'un cabinet restent crucial.

Enfin, avant d'être élargie à la sécurité civile, sa compétence en matière de réglementation devrait   aboutir à l'harmonisation, tant attendue des réglementations Européenne et Américaine.

Comme le développement durable du marché ne peut s'envisager sans une harmonisation internationale des normes de sécurité, une mission parlementaire française relative à la sécurité du transport aérien des voyageurs a été créée le 13 janvier 2004.

Après l'établissement d'un état des lieux, et l'évaluation des mesures qu'il est nécessaire de prendre tant au niveau national qu'international pour garantir une sécurisation optimale, elle sera chargée de proposer des dispositions correctives tant au niveau de la construction, de l'exploitation et  la maintenance des avions, que sur la gestion du trafic ou la formation du personnel.

Son rapport a été déposé à l'assemblée nationale, le 7 juillet 2004 après 5 mois de consultations.

Les propositions tendent tout d'abord, à un renforcement des réglementations internationales qui, aujourd'hui, ne constituent  que des « minima ». Au niveau européen, l'entrée en vigueur anticipée de la directive sur le contrôle au sol des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports communautaires est sollicitée, comme l'augmentation des pouvoirs de surveillance de l'AESA (Agence Européenne de la Sécurité aérienne) et l'introduction de nouvelles législations. Enfin, au niveau de la France, un renforcement des dispositions actuelles a été préconisé. Afin de veiller à la mise en oeuvre effective de ces travaux, une conférence parlementaire annuelle est proposée.

Comme en atteste cette brève revue d'actualité, les entreprises de l'Aéronautique doivent dès aujourd'hui anticiper les conséquences économiques et juridiques de la restructuration du secteur, afin de ne pas perdre leur compétitivité ou leur avantage concurrentiel.

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