Dirigeant de fait : responsabilité également fiscale

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| Mis à jour le 07/09/2020 | Publié le

Avocats Picovschi estime opportun d’évoquer la situation critique dans laquelle un dirigeant de société risque parfois de se trouver alors qu'il n'est pas le représentant légal désigné par les statuts. En effet, il peut déjà voir sa responsabilité personnelle engagée au plan pénal par rapport à de graves fautes de gestion. Corrélativement, si sa qualité de dirigeant « de fait » est démontrée, des conséquences douloureuses sont également susceptibles de survenir au cas où la société ne respecte pas ses obligations fiscales. Explications.

Principes à bien connaître

Conformément aux dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales (LPF), si un dirigeant de société est considéré comme responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la personne morale, celui-ci peut être déclaré solidairement responsable du paiement de ces dettes à l'égard du Trésor public.

Le Législateur a pris le soin de viser indifféremment les personnes "exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société".

À partir de ce postulat, en raison des incidences pour le moins fâcheuses auxquelles peut être confronté un dirigeant d'entreprise, il semble primordial de cerner les critères qui conduisent à engager sa responsabilité fiscale alors qu'il n'est investi d'aucun mandat social quelconque.

La direction de fait se définit comme "l'exercice d'une activité positive de gestion et de direction, en toute souveraineté et indépendance". Cette notion, sans fondement législatif, a été développée exclusivement par la Jurisprudence. Celle-ci s'est forgée au cas par cas, en fonction d'un faisceau d'indices relatifs aux pouvoirs de direction ou de contrôle détenus et exercés par les personnes concernées et aux conditions de rémunération qui leur sont consenties.

Ces clauses étant définies, la doctrine administrative se réfère essentiellement aux critères jurisprudentiels. Ainsi, le fisc s'appuie bien entendu volontiers sur des arrêts du Conseil d'État qui ont entériné la direction de fait, dont notamment par exemple :

  • pour un employé ayant le statut de VRP, titulaire d'une délégation de signature sur les comptes bancaires, qui correspond avec les fournisseurs et l'administration et qui excède les limites de ses fonctions officielles.
  • pour un exploitant individuel conservant la propriété du fonds de commerce, titulaire de la signature sociale et recevant des appointements analogues à ceux du gérant statutaire.
  • pour un directeur commercial qui exerce des responsabilités excédant ses fonctions théoriques, qui représente la société vis-à-vis des tiers, dispose d'une procuration bancaire et perçoit une rémunération supérieure à celle du dirigeant de droit.

Par ailleurs, la Chambre commerciale de la Cour de cassation s'est prononcée en faveur de l'existence de la direction de fait exercée par un salarié et des actionnaires, dans les situations respectives ci-après :

  • lorsque le salaire de l'intéressé était sensiblement plus élevé que celui de la dirigeante de la société, qu'il avait reçu de cette dernière entière délégation pour ce qui concerne les relations avec l'Administration fiscale, qu'il avait apporté à la société son fonds de commerce, son nom, ses brevets, sa clientèle et qu'il se présentait enfin comme l'un des deux principaux animateurs de la société.
  • lorsque les actionnaires qui ne s'étaient pas bornés à un simple rôle d'investisseurs ou à trouver des solutions de restructuration financière, mais dépassant une intervention à titre de conseil, avaient exercé un véritable pouvoir de direction en plaçant le Conseil d'administration dans une situation de dépendance, en soumettant des décisions de cet organe aux résultats de leurs recherches et de leurs avis.

A contrario, l'administration fiscale évoque en toute objectivité dans sa doctrine, des arrêts du Conseil d'État qui ne lui sont pas favorables. Elle précise en effet que la direction de fait n'a pas été établie dans les deux cas suivants :

  • pour l'associé qui détient la moitié des parts sociales, perçoit une rémunération équivalente à celle du gérant de droit, dispose d'une procuration sur certains comptes de la société et a signé des déclarations fiscales en raison simplement d'une indisponibilité du dirigeant statutaire.
  • pour la personne dont les pouvoirs ne sont pas plus étendus que ceux découlant de ses fonctions de directeur administratif, même si elle disposait d'une procuration bancaire dont elle usait peu et signait certaines déclarations fiscales et alors même que sa rémunération était identique à celle du dirigeant de droit.

En d’autres termes, la jurisprudence n'a pas défini de critères qui, pris isolément, seraient décisifs pour qualifier la direction de fait. Tout est affaire de circonstances et repose sur un ensemble d'éléments qui ont simplement valeur d'indication pour le juge.

Cependant, afin d'essayer de résumer les "grandes tendances", la démonstration de la direction de fait s'articule généralement de manière logique, pragmatique et équitable, autour des trois axes ci-après :

  • les fonctions et responsabilités exercées au sein de la société.
  • les pouvoirs détenus, notamment à l'égard des tiers (clients, administrations, banques …).
  • l'importance de la rémunération.

Attention aux pouvoirs du fisc

Pour valider l’engagement de poursuites, l’administration fiscale se réserve évidemment la possibilité de démontrer la direction de fait par tous modes de preuves à sa disposition.

Si la procuration sur le compte bancaire de la société constitue un des éléments à charge, elle s’attache à réunir un maximum d'autres indices, y compris ceux résultant d'une procédure pénale.

Ainsi, un simple directeur technique, n'apparaissant en aucune manière à quelque titre que ce soit dans les statuts de la société, peut voir sa responsabilité fiscale naturellement engagée, parce qu'il a affirmé au cours de ses auditions aux Services de police et/ou au Juge d'instruction qu'il "assumait en fait la gérance de la société".

Il faut aussi préciser que si le dirigeant de fait est une personne morale, cela n'exclut pas que la responsabilité de celle-ci puisse être recherchée (ni même au demeurant, celle du dirigeant de cette personne morale, lequel est alors un dirigeant "indirect" de la société redevable). C'est ainsi que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé qu'une société avait assumé la direction de fait, en raison de la situation de dépendance dans laquelle elle avait mis les filiales du groupe.

Enfin, si le dirigeant de fait dans "le collimateur" du fisc a cessé ses fonctions avant le début de l'action prévue à l'article L. 267 du LPF, cette circonstance ne nuit pas à l'engagement de sa responsabilité dès lors qu'il les exerçait au moment des faits qui lui sont reprochés. Car il convient de se placer exclusivement à la date à laquelle devaient être accomplies les obligations fiscales dont l'inobservation est imputable au dirigeant (conf. arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 Juin 1988).

Pour couronner le tout, l'action des Services du recouvrement de la Direction générale des Finances publiques qui assignent le dirigeant impliqué devant le Tribunal judiciaire dont dépend le siège social de l'entreprise est d'ordre patrimonial. Par conséquent, à l'instar des actions civiles en responsabilité, les poursuites trouvent éventuellement à s'exercer contre ses héritiers conformément aux règles de droit commun.

En conclusion, on constate bien les conséquences très dommageables qui risquent de survenir pour les responsables de sociétés, non-dirigeants de droit, investis de pouvoirs et donc appelés naturellement dans la logique de leur conscience et motivation professionnelles, à prendre des initiatives dans l'intérêt de l'entreprise, pour peu que par ailleurs … leurs salaires soient appréciables.

Car en cas de malversations ou de manquements graves et répétés commis par la société, révélés en particulier à l'occasion d'un contrôle fiscal, la responsabilité du dirigeant de fait peut être engagée pour l'apurement des dettes dues au Trésor public. Or, ne serait-ce qu'à cause de graves difficultés financières, certaines tentations hasardeuses par rapport notamment à des orientations prises en matière d'optimisation fiscale risquent d'entraîner des répercussions fatales. Quand tout va mal, un responsable de société court en effet le péril d'endosser "le costume" de dirigeant de fait si les dirigeants statutaires peu scrupuleux, ont "en temps utile" estimé opportun de déléguer leurs pouvoirs en vue de s'exonérer de leur responsabilité fiscale.

Dans ces conditions, les dirigeants non statutaires sont tenus d'observer la médiane pour sauvegarder leur sécurité juridique tout en acceptant d'assumer leurs fonctions. En ayant le devoir de participer pour aller de l'avant, de concert avec leurs « collègues » statutaires, ces "simples" responsables d'entreprises doivent éviter si possible de cumuler des pouvoirs étendus avec une rémunération importante même si celle-ci s'avère parfois tout à fait méritée.

Si jamais vous vous retrouvez confronté (e) personnellement à la situation particulièrement peu enviable évoquée précédemment, rapprochez-vous au plus vite d’un Avocat fiscaliste expérimenté.

Pour sa part, Avocats Picovschi a la prétention mesurée grâce à son savoir-faire accumulé au quotidien depuis plus de 30 ans, de répondre aux critères indispensables de compétence et d’efficacité pour défendre âprement vos intérêts, au cas où l’administration fiscale lui prendrait l’idée de vous assigner devant le Tribunal judiciaire.

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