La rupture brutale des relations commerciales

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| Mis à jour le 13/10/2021 | Publié le

SOMMAIRE

L’établissement d’une relation commerciale implique une certaine stabilité et une certaine loyauté dans le comportement des partenaires commerciaux. Ainsi, si la rupture des relations commerciales est libre, elle ne doit cependant pas être abusive : la loi Galland du 1er juillet 1996 a ainsi consacré une interdiction de rompre brutalement une relation commerciale établie. Avocats Picovschi, compétent en droit commercial, vous explique ce qu’est une rupture abusive et quels sont les recours.

L’auteur de la rupture du contrat commercial

Le Titre IV du Livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées a récemment été réformé par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, notamment pour consacrer la définition de l’auteur de la rupture faite par la jurisprudence.

L’article L442-1 II du Code de commerce a ainsi été modifié et dispose désormais que l’auteur de la rupture brutale peut être « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». C’est donc la nature des activités qui conditionne la mise en jeu de la rupture brutale des relations commerciales. Cette définition s’est voulue très large pour englober la majorité des activités économiques.

Il s’agit en principe de la personne qui est directement en relation avec la victime, mais ce peut être également un auteur indirect à l’instar d’une société mère ou d’un franchiseur. Au sein d’un groupe, si une filiale rompt brutalement une relation commerciale, la responsabilité de la société mère du fait de la filiale peut en effet être engagée.

Les critères de la rupture brutale des relations commerciales

Les relations d’affaires fructueuses s’inscrivent dans la durée, dans un climat de loyauté et de confiance. En cas de rupture abusive de contrat commercial, votre partenaire doit respecter un délai de préavis afin d’anticiper la fin de la relation et vous permettre d’envisager les possibilités de reconversion de votre activité ainsi que le terme du contrat qui doit fixer les modalités de résiliation. À défaut de respect du préavis minimal fixé par des accords interprofessionnels par référence aux usages du commerce, votre cocontractant commet une faute, ce qui vous ouvre un droit à indemnisation.

Toutefois, le simple respect de ce préavis minimal peut ne pas être suffisant si vous entretenez une relation particulièrement ancrée dans la durée, ou s’il s’agit de votre cocontractant exclusif.  

La responsabilité de l’auteur de la rupture est soumise à la réunion de deux séries de conditions. La première concerne l’objet de la rupture : il doit s’agir d’une relation commerciale établie. La seconde a trait aux circonstances de cette rupture : cette dernière doit être brutale, sans que cette brutalité ne puisse être justifiée par un manquement grave du partenaire délaissé ou par un cas de force majeure.

L’existence d’une relation commerciale stable et établie

La relation commerciale établie vise toute relation qui consiste en la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service. De plus, l’article L442-1 II du Code de commerce concerne autant les relations contractuelles au sens strict que les relations précontractuelles ou la poursuite de ces relations postérieurement à la fin du contrat.

Cette relation doit en outre être de longue date. Concrètement, il doit exister un contrat ou des relations contractuelles qui durent depuis plusieurs années. Si tel est le cas, la victime de la rupture est en droit de dire qu’elle avait une croyance légitime en la pérennité de la relation commerciale et qu’elle avait organisé son entreprise notamment en fonction de cette relation commerciale.

Mais la relation peut aussi être significative en raison de la régularité de simples échanges. Il est en effet de jurisprudence constante que des relations commerciales entre deux sociétés peuvent être établies même si elles ne sont pas liées par un contrat commercial ou si elles se sont prolongées après la cessation de leur contrat (Cass., Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216).

La relation commerciale sera alors prouvée en fonction d’un certain nombre de critères. La durée de votre coopération avec votre cocontractant, la fréquence de vos échanges et l’importance du chiffre d’affaires réalisé sont ainsi des éléments déterminants.

Il est régulièrement jugé que la relation ne peut être exclue du seul fait que les contrats sont indépendants les uns des autres et qu’ils ne s’inscrivent pas dans la mise en œuvre d’un accord-cadre. Bien que le contrat-cadre laisse présumer l’existence d’une relation établie, le simple fait que les contrats concernés soient indépendants les uns des autres ne permet pas à lui seul d’écarter le caractère établi de la relation (Cass., Com., 6 septembre 2011, n° 10-30.679).

Le caractère brutal de la rupture

Si le préavis est inexistant ou insuffisamment long au regard de l’ancienneté des relations, des usages ou des accords interprofessionnels, la rupture unilatérale de la relation commerciale est susceptible d’être qualifiée de rupture brutale.

La rupture peut être totale ou partielle. La chambre commerciale Cour de cassation a en effet reconnu qu’il était possible de qualifier de brutale la rupture partielle lorsque trois conditions sont réunies (Chambre commerciale, 20 novembre 2019, 18-11.966) :

  • La relation commerciale est maintenue mais subit une modification substantielle
  • Cette modification doit résulter d’une décision unilatérale de l’un des partenaires
  • Elle ne doit pas être liée à des circonstances objectives.

La modification peut par exemple concerner le volume d’affaires (baisse des commandes qui, corrélativement, entraîne une baisse substantielle du chiffre d’affaires), l’arrêt de l’exclusivité d’approvisionnement ou encore les conditions financières de la relation (baisse substantielle du montant de nouveaux contrats par rapport aux précédents). 

Prenons un exemple : une société - qui commercialisait des chemises - souffrait d’une baisse de son chiffre d’affaires, du fait de la situation conjoncturelle affectant le marché du tissu. Cette société n’avait pas pu maintenir le niveau d’activité auprès de son sous-traitant avec laquelle elle entretenait des relations commerciales depuis l’année 2000. La société affectée par l’absence de nouvelles commandes, avait alors assigné en paiement de dommages et intérêts la société sous-traitante pour rupture brutale d’une relation commerciale établie. Dans un arrêt du 8 novembre 2017, la Cour de cassation écarte la responsabilité pour rupture brutale. En effet, après avoir constaté que la société attaquée « n'avait pris aucun engagement de volume envers son partenaire, l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu’il a souffert d’une baisse de chiffre d'affaires d’un peu plus de 15 % du fait de la situation conjoncturelle affectant le marché du textile ». Ainsi, la Cour considère que la société ne pouvait « être contraint(e) de maintenir un niveau d’activité auprès de son sous-traitant lorsque le marché lui-même diminue. » Par ailleurs, l’attitude de la société, qui avait proposé à son sous-traitant une aide financière pour compenser la baisse de ses commissions, témoignait de sa volonté de poursuivre les relations commerciales. Par ailleurs, la société sous-traitante avait annoncé, le 5 janvier 2010, une hausse de ses prix suite à l’augmentation de ses coûts de production (liée à la crise du marché du textile). Son partenaire, « le donneur d’ordre », lui avait répondu le 6 janvier 2010 qu’il ne lui était plus possible de lui commander des chemises du fait de cette augmentation (Chambre commerciale, 8 novembre 2017, 16-15.285).

Chaque situation est unique et les juges apprécient ces critères au cas par cas. L’avocat vous apportera alors toute son expertise dans l’appréciation de la brutalité de la rupture et pourra délivrer une assignation si les faits sont avérés.

Obtenez réparation de la rupture abusive du contrat !

Dans le cas d’une rupture abusive, l’auteur s’expose à des sanctions et vous êtes en droit d’obtenir de votre partenaire l’exécution de ses obligations et/ou d’envisager un recours en indemnisation de votre préjudice.

L’expertise d’un avocat compétent en ce domaine est essentielle pour s’assurer du respect de vos droits. Il faut noter que ce qui ouvre droit à réparation est la brutalité de la rupture, c’est-à-dire les conditions de la rupture en elles-mêmes, et non la cause de cette rupture : peu importe en effet la motivation donnée par votre cocontractant pour mettre fin à votre relation commerciale. Si la rupture brutale est caractérisée, il est alors possible d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par cette rupture. Il s’agit alors du manque à gagner lié à l’absence ou à l’insuffisance du préavis.

Le nouvel article L442-1 II du Code de commerce pose un plafond de 18 mois quant au préavis à respecter. Plus précisément, dès lors que le litige porte sur le préavis, la loi pose un principe d’irresponsabilité de l’auteur de la rupture s’il a respecté un préavis d’au moins 18 mois.

En outre, la jurisprudence estime que :

  • Plus les relations commerciales ont duré, plus le préavis doit être long, dans la limite de 18 mois ;
  • Plus le volume d’activité est élevé entre les parties au procès, plus la victime de la rupture pourra légitimement revendiquer un long préavis pour réorganiser son entreprise.

Une fois le préavis déterminé, les préjudices matériels et économiques sont calculés par référence à la notion de marge brute, qui correspond au chiffre d’affaires hors taxe diminué des coûts hors taxe.

La rupture abusive des contrats internationaux

Vos droits en matière de rupture d’un contrat commercial ne s’arrêtent pas aux frontières françaises. Les problématiques liées aux contrats internationaux sont source de problématiques variées.

Un arrêt du 25 mars 2014 de la Cour de cassation est ainsi venu renforcer la protection de la victime d’une rupture brutale lorsque celle-ci se trouve à l’étranger, mais que le lieu de survenance du dommage se situe en France. À la suite d’un contrat conclu en France, avec un fournisseur français, une société étrangère a ainsi pu prétendre à une indemnisation en raison de la rupture abusive de son contrat.

Pour bien comprendre votre situation et établir si la rupture de vos relations commerciales est fautive au regard du droit, un avocat sera un atout essentiel. Un avocat expert en droit des affaires pourra vous assister dans vos démarches et vous permettra d’évaluer vos risques et vos chances de succès. Par ailleurs, au regard de la situation, il pourra envisager d’autres fondements à votre action et représenter au mieux vos intérêts en cas de contentieux.

Avocats Picovschi, expert en droit commercial, pourra vous représenter et vous aider dans vos relations avec vos partenaires économiques.


Sources : articles L442-1 II du Code de commerce ; Cass., Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216 ; Cass., Com., 6 septembre 2011, n° 10-30.679 ; Cass., Com., 25 mars 2014, n° 12-29.534 ; Cass., Com., 20 novembre 2019, n° 18-11.966.

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